Il y a trois semaines, nous vous avions annoncé en exclusivité le départ de Nicolas Goubert de Michelin pour Dorna (voir ici).

Directement sous Pascal Couasnon, Directeur de Michelin Motorsport, le Directeur adjoint, Directeur technique et Superviseur du programme MotoGP de Michelin Motorsport avait, et a toujours jusqu’à fin janvier, la double casquette de responsable du développement des pneus Michelin et responsable de l’exploitation des pneus Michelin MotoGP. Dans ce domaine, il était épaulé par Piero Taramasso qui verra donc ses responsabilités s’accroître dès le mois de février. De manière concrète, le sympathique italien deviendra le responsable MotoGP pour la firme clermontoise tandis que quelqu’un sera nommé à la tête du développement.

Au terme de cette deuxième saison effectuée par les hommes de Clermont-Ferrand depuis leur retour en catégorie reine, Piero Taramasso à dressé un bilan complet en répondant à Valencia aux questions de Alex López-Rey  pour le site Motorbikemag.es.

Bond en avant des Ducati après l’arrivée de la nouvelle carcasse, conspirations présumées, performances erratiques des Yamaha, problèmes rencontrés par Dani Pedrosa sous la pluie et l’exception Zarco sont quelques uns des sujets abordés dans cette excellente interview dont nous publions ici quelques extraits.


Nombreux sont ceux qui ont remarqué que depuis le Mugello, avec le nouveau pneu avant, Ducati a commencé à gagner des courses alors que Maverick Vinales a vu ses performances baisser. Est-ce que Ducati est la marque la mieux adaptée au nouveau pneu ?

« C’est possible, mais pour moi, une autre chose est que Ducati, avant la course au Mugello, est allé tester avec ses pilotes, et c’est un grand avantage; Vous avez déjà un set-up et vous savez comment fonctionne chaque pneu. Pour moi, ils ont gagné parce qu’ils avaient déjà fait ce test, comme à Barcelone. La nouvelle carcasse, Maverick l’avait testé et a dit que la différence était très, très petite; c’était pratiquement le même pneu » .

Parmi les ragots du paddock, certains se plaignent et disent que Michelin tente de falsifier le championnat et qu’il y a une conspiration. Quelle est l’opinion de Michelin lorsqu’ils sont accusés de conspiration ?

« C’est toujours une légende. Il y a des gens qui en parlent, mais c’est impossible. Nous arrivons sur les circuits avec tous les pneus, et chaque pneu a un numéro de série unique. Les pneus séparées en lots: Groupe 1, Groupe 2, Groupe 3 … dans chaque groupe, on trouve les pneus pour le sec et les pneus pluie, dans la même quantité. Tous les groupes de pneus sont donnés à l’IRTA, qui a tous les papiers avec chaque lot. Mercredi, à trois heures de l’après-midi, un représentant de chaque équipe va là où se trouve le directeur technique, et c’est comme une loterie ; on tire le papier du lot et c’est comme ça. C’est la façon d’attribuer les pneus. Il nous est impossible de changer les choses ou de « conspirer » » .

La nouvelle carcasse a-t-elle été la raison des problèmes rencontrés par Yamaha à Jerez, à Barcelone et au Mugello ?

« Pas pour moi. Le problème est autre. Lorsque nous avons testé la nouvelle carcasse, la plupart des pilotes l’ont appréciée. Il n’y avait pas de problèmes. Le problème qu’ils ont eu à Jerez et Barcelone, c’est que l’asphalte était vieux et avait très peu d’adhérence. Les deux circuits auront un nouvel asphalte la saison prochaine et je suis sûr que la performance sera meilleure » .

Qu’apporte cette nouvelle carcasse dénommée « 70 » ?

« Avec la nouveau carcasse 70, le feeling sur l’angle d’inclinaison maximale est meilleur, et maintenant nous allons l’essayer avec un nouveau composé pour rechercher un peu plus d’adhérence ».

Mais comment expliquer que Viñales ait eu tellement de problèmes lors du GP de Valence et a été plus rapide d’une seconde lors du premier jour de test puis plus lent le lendemain avec la même configuration ?

« C’est très étrange. Mardi, le circuit avait beaucoup plus de grip, car tous les pilotes étaient plus rapides que dimanche. Dans la course, Marquez s’est élancé le premier et n’a pas eu besoin d’attaquer ni de faire un temps rapide, parce qu’il jouait le titre et il était calme. Après, Zarco, qui était avec l’avant et l’arrière tendre, l’a doublé, et il avait besoin de gérer le pneu afin que la performance ne tombe pas en fin de course, donc son rythme était faible. A la fin, Pedrosa est arrivé et a doublé… Pour moi ce qui s’est passé dans la course, c’est que les temps n’étaient pas rapides. Une autre chose qui affecte les équipes est que la course est disputée après celles des Moto3 et Moto2, et la piste n’a pas le même grip. Pour moi c’est la raison qui explique, mais il n’y a pas de données techniques pour expliquer ce qui s’est passé ».

Johann Zarco crée la sensation en profitant souvent des pneus tendres que lui seul est en mesure d’utiliser. Comment est-ce possible ?

« Zarco a une conduite très douce, comme celle de Lorenzo. Il freine peu et passe très vite dans les virages. Je pense que la moto a aussi un bon équilibre. Zarco est très bon à l’ouverture des gaz, il le fait lentement et le pneu est plus facile à conserver. Il a un style Moto2, et il s’entraîne aussi beaucoup avec un pneu usé, ce qui l’aide à mieux contrôler ses performances » .

Les problèmes de Dani Pedrosa sous la pluie semblent liés à son faible poids qui ne facilite pas la mise en température des pneus. Comment résoudre cela ?

« Maintenant que nous avons plus de temps, nous allons regarder attentivement toutes les données des courses passées. Il est clair que Dani a besoin d’un pneu spécial, avec un composé plus tendre et qui est plus facile à mettre la température. En 2018, nous essaierons d’avoir un pneu arrière pluie spécifiquement adapté pour les circuits, et asymétrique pour faciliter la mise en température. Je suis sûr que Dani va l’aimer » .

La stratégie dans le choix des pneus…

« Je pense qu’avec la nouvelle réglementation des pneus, avec trois pneus avant, tendres, moyens et durs , et trois arrière, il y a plus de composants stratégiques. Maintenant, l’équipe et le pilote doivent travailler pour trouver la meilleure stratégie. Si vous devez mettre le pneu tendre, ou le dur, vous devez prendre en compte si cela fonctionne avec la température qu’il y a… Si vous faites le bon choix, vous pouvez gagner, mais si vous faites une erreur, vous n’êtes peut-être pas sur le podium. Au final, le pilote et l’équipe, avec l’aide de Michelin, prennent la décision; parfois c’est bon et parfois non. Pour le spectacle, c’est mieux. La course de Phillip Island a été très belle, comme celle de l’Autriche avec Dovizioso et Marquez, ou le Motegi avec beaucoup de pluie et des combats jusqu’au dernier virage… Au final, tout a été très ouvert et le championnat s’est décidé dans la dernière course » .

Bilan 2017…

« L’année dernière a été la première, et il y a eu de bonnes courses et d’autres pas vraiment. Cette année, tout a été beaucoup plus régulier, c’est une bonne saison. Je pense que la stratégie de ne pas changer le pneu a été bonne. La construction du pneu arrière date du début de la saison, la même chose pour toutes les courses. En ce qui concerne le pneu avant, depuis le Mugello, nous avons utilisé le 70, une carcasse plus dure, la même carcasse et le même profil pour toute la saison. Je pense que la stabilité est bien meilleure pour les équipes et les pilotes quand il s’agit de comprendre les pneus et les sensations. Tout le monde est heureux. La performance du pneu pluie a également été très bonne, il y a eu beaucoup de courses sous la pluie l’année dernière, lors desquelles il y a eu beaucoup de chutes, et cette saison a été bien meilleure. Le rendement sur le sec et sur le mouillé a été bon. Nous en sommes contents chez Michelin et allons maintenant travailler pour la saison prochaine. La stratégie est la même; Nous aurons la même carcasse pour les pneus avant et arrière, et lors des essais hivernaux, nous travaillerons sur un composé du pneu avant plus dur pour les circuits comme l’Argentine et Austin, ainsi que sur le pneu arrière, mais il y aura de très petites différences. Ce sera pour chercher plus d’adhérence et plus de constance ».

Le futur…

« L’année dernière, nous avons beaucoup travaillé sur le développement et nous avons changé beaucoup de choses: carcasse, profil, composé … Maintenant que la base est bonne, le développement se fait plus lentement. La stratégie sera d’essayer de nouvelles choses en milieu de saison, par exemple le lundi après la course de Brno, ou encore aux essais de Valence et durant les essais hivernaux. Si ,après les essais hivernaux, les pilotes apprécient les modifications que nous avons faites, nous les appliquerons pour la saison suivante et nous aurons donc la même chose tout au long de l’année. Et ce sera ainsi chaque année; essayer les mêmes changements sur différentes pistes, et si ils fonctionnent, ils sont appliqués au début d’une saison, puis aucun changement ne sera effectué en cours d’année » .