En ce jeudi 20 août, Johann Zarco a répondu aux questions des journalistes depuis Spielberg en prélude au Grand Prix de Styrie.

Nous sommes allés écouter (via un logiciel de téléconférence) les commentaires du pilote français.

Comme à notre habitude, nous reportons ici les propos de Johann Zarco sans la moindre mise en forme.


Comme de coutume, Johann Zarco s’est d’abord exprimé en anglais : « Je n’ai rien de vraiment particulier à dire maintenant. L’opération s’est bien passée et la règle est d’attendre 48 heures avant d’avoir un contrôle médical. Je l’aurai demain, ce qui implique que je ne monterai pas sur la moto. C’est assez logique car, 24 heures après, je me sens mieux mais je ne suis pas prêt à piloter. On verra si je suis déclaré OK pour samedi, mais je l’espère. Ce ne sera clairement pas encore parfait mais suffisant pour monter sur la moto et faire des tours. Je devrai faire attention à mon poignet pendant les deux prochaines semaines. Nous avons eu la réunion avec les commissaires (FIM MotoGP) et j’ai vraiment pu expliquer la façon dont j’ai vécu l’accident et tout ce que j’avais fait avant pour doubler Morbidelli. J’ai tout bien expliqué et nous avons fourni les preuves avec les datas. Ils m’ont dit qu’ils attendaient les commentaires de Franco et qu’il publieront un jugement. Selon moi, il n’y aura aucune pénalité car je n’ai rien fait de fou. J’ai bien expliqué correctement qu’il n’y avait rien eu de fou et j’espère qu’ils l’ont compris, puisqu’ils se sont contentés de m’écouter sans vraiment me répondre. Nous verrons ce que sera la décision et cela peut intervenir rapidement car ils sont actuellement en train de parler à Franco. Je peux donc pas vous dire grand-chose d’autre sur cette situation. »
« Demain, rater les séances n’est pas un grand drame car nous avons déjà toutes les références depuis la semaine dernière, et c’est donc un avantage d’être à nouveau sur le même circuit. Les Ducati et rapide ici, donc avec leurs références je suis rapide et j’ai un bon rythme. Si je me sens bien et que je peux piloter, je pense que je peux bien me positionner samedi et dimanche. Ce n’est donc pas un grand drame de rater le vendredi. »

À quel point sera-t-il difficile de retrouver en piste ceux qui vous ont critiqué cette semaine ?

« Je sais que beaucoup de critiques ont été faites à mon encontre cette semaine mais j’ai été très occupé pour organiser mon opération du poignet et je n’ai pas passé mon temps sur les réseaux sociaux, également parce que je n’avais pas assez de force à consacrer à répondre à ces critiques. Il fallait vraiment que j’attende la réunion d’aujourd’hui avant d’être clair sur ce qui s’est passé. Parmi les pilotes qui ont dit que j’ai fait quelque chose de mal, les premiers ont été Franco et Valentino, et je suis allé les voir directement. Pour moi, cela été important. Peut-être que je suis naïf et que je n’aurais pas dû agir ainsi, mais pour moi, au moins, des choses sont claires. »
« S’il y a d’autres pilotes qui pensent comme ça, ils n’essaieront jamais de faire quelque chose sur la piste, comme pousser ou créer un accident. Nous sommes très concentrés sur nos motos et je pense qu’il ne se passera rien. Je n’y ai pas pensé, mais selon moi rien ne changera et nous garderons les mêmes objectifs. Que nous sommes proches les uns des autres, même s’ils voulaient me punir car ils pensent que je dois être puni, ils ne peuvent rien faire de fou. Nous ne pouvons pas penser de cette façon sur la moto, car si vous voulez faire quelque chose, vous chuterez vous-même. C’est pour ça que cette idée que j’ai pu freiner volontairement devant Franco est folle, car cela a également été un problème pour moi. C’est pourquoi si quelqu’un pense que je suis dangereux et veut faire quelque chose, il ne pourra pas le faire sur la moto : c’est trop difficile et trop dangereux. »

N’avez-vous pas peur de devenir le mouton noir du paddock ?

« C’est plus facile de mettre toute sa colère sur une personne qui, pour le moment, n’a pas toute sa puissance. Je reviens d’une saison difficile, je retrouve et construis bien ma confiance après tous les problèmes que j’ai eu en course et dans ma vie durant une année. Il n’est donc pas facile de revenir au sommet de la montagne. Je pense donc que les choses deviennent plus faciles si vous trouvez quelqu’un pour mettre toute votre mauvaise énergie sur une seule personne. Je ne suis pas surpris, car de toute façon je suis trop gentil, et c’est pourquoi il est facile d’attaquer comme ça. »
« Quand il y a eu la chute en Australie, certaines personnes ont dit que c’était de ma faute. Mais quand j’ai vu les images, j’étais seulement derrière Jack, et Marc, qui ne voulait pas doubler Jack, s’est rabattu sur la gauche. Et à cette vitesse, et même si j’avais déjà freiné avant, et on a vu sur les images que j’avais relevé la tête et que j’essayais de freiner, je me suis complètement envolé quand il est revenu sur ma trajectoire. Donc c’est seulement ma deuxième chute à cette vitesse, et les gens disent que je suis toujours celui qui se trouve dans des situations critiques. Je répondrai « merde, je suis également malchanceux » car, cette fois, c’est moi qui suis devant et c’est Morbidelli qui me touche par derrière. Et heureusement nous n’avons pas de blessure. Chuter à cette vitesse n’est pas amusant, y compris pour moi, car j’ai souffert : cela été difficile de se relever, j’ai dû reprendre mon souffle et vérifier si tout semblait OK. Puis je suis allé voir Franco et ma première phrase à son égard a été « où as-tu mal ? ». Je lui ai demandé si je pouvais l’aider mais il était sous le choc et m’a répondu « c’est bon, c’est bon ! ». Peut-être que les gens ont pensé que j’étais allé le voir pour m’excuser, mais non, c’était pour savoir si je pouvais l’aider ou dire quelque chose aux commissaires car j’étais le premier à me tenir près de lui, en souffrant mais debout, pour essayer d’aider un ami. Mais les gens ne le voient pas comme ça et c’est pourquoi je dis que je suis parfois trop gentil. Peut-être qu’à ce moment j’aurais dû déjà penser à attaquer en pensant qu’il allait m’attaquer, mais je ne peux pas penser de cette façon. »

Avez-vous évoqué l’accident à Phillip Island devant les commissaires FIM MotoGP ?

« Nous n’avons pas parlé de cette chute avec les commissaires aujourd’hui mais nous avons évoqué le fait qu’à 300 km/h, il y a une aspiration qui peut parfois vous surprendre. Vous vous sentez vraiment aspiré. Nous le savons mais cela nous surprend quand même. Quand vous êtes trop proche, c’est très délicat à gérer. »

En quoi consiste le test médical ?

« Pour le moment, je n’ai rien fait, car ils m’ont dit qu’il fallait attendre 48 heures avant le contrôle, quand j’y suis allé. Nous n’avons donc rien fait aujourd’hui, mais c’est logique car avec l’anesthésie il faut attendre 48 heures après l’opération chirurgicale. C’est pourquoi je passerai le contrôle médical demain à 16 heures, et je verrai si je suis apte. »

Avez-vous subi une anesthésie totale pour votre opération ?

« Mardi après-midi, je me suis rendu à Modène et j’ai dormi. Puis je me suis rendu à la clinique mercredi matin et cela a été long car j’ai dû avant faire le test pour le Covid-19. Même s’ils ont fait le plus vite possible, j’ai dû attendre les résultats le mercredi après-midi avant qu’il puisse pratiquer l’opération. J’ai seulement subi une anesthésie du bras droit, et comme j’étais très calme, je me suis endormi pendant l’opération. C’était donc presque comme une anesthésie générale car j’ai dormi, alors qu’ils avaient seulement anesthésié le bras. »

Johann Zarco s’est ensuite exprimé en espagnol et en italien pour déclarer, entre autre, qu’une éventuelle pénalité serait « absurde » et que, dans ce cas, il ferait appel.

On est ensuite passé aux questions en français…

Es-tu blessé mentalement par les critiques que tu as reçues depuis dimanche dernier ?

« Ça marque si on y porte beaucoup attention, mais comme j’étais plutôt occupé à soigner ma main et à organiser l’opération, je suis resté assez distant de tout ce qui est nuisible. J’ai quand même fait 5h30 de voiture dans un sens et 5h30 de voiture dans l’autre. C’est mon frère qui a conduit mais j’ai peu regardé les réseaux sociaux : Vous avez pu voir que j’ai seulement fait un post pour simplement annoncer que mon opération s’était bien passée. J’étais donc plus en souffrance physique que mentale. Ce n’est pas marrant d’entendre toutes ces mauvaises paroles, mais pas au point de me détruire. Ça va. »

As-tu eu des témoignages de soutien, de pilotes ou d’autres ?

« Oui, j’ai eu quelques messages de soutien pour me dire de ne pas me prendre la tête et qu’il y avait beaucoup de monde avec moi. Je ne dirai pas qui en particulier. Par contre, je pense que le témoignage d’Agostini dans les journaux a été important, au moins pour l’Italie, parce que Valentino a beaucoup de poids en Italie mais Agostini reste quand même une image. Ça permettait d’avoir un point de vue beaucoup plus neutre. Un ami m’a également fait suivre l’analyse de Jean-Michel Baye. Je l’ai remercié, pas uniquement pour les gens des réseaux sociaux mais aussi pour moi personnellement : C’était bien d’avoir une analyse très technique, comme sait les faire Jean-Michel. C’est sûr qu’il a moins de poids qu’un Valentino Rossi et que beaucoup de médias en Italie, mais ça reste quand même une figure de la moto. Il y a donc eu aussi beaucoup de soutien positif, et c’est pour ça que j’ai pu rester bien. Ça va. Le plus important, c’était de pouvoir clarifier aujourd’hui, parce que si la décision des commissaires va vers un incident de course, avec beaucoup de vitesse et de la peur, ça vaut le coup de réfléchir à ce qu’on peut faire pour éviter que ça se reproduise à ce virage là. Sur les circuits avec des grandes virages rapides, du genre de l’Australie où j’ai chuté à 300, il n’y a pas eu de conséquences comme il y aurait pu avoir ici en Autriche. »

As-tu déjà été blessé au scaphoïde ?

« Non, c’est une première. Première opération et première vis dans le corps. Honnêtement, là, même si j’avais eu un contrôle médical, et peut-être par fierté de tenir la douleur et de faire tous les tests, je ne sais même pas si j’en aurais été capable. Par moment, l’appui sur le guidon me fait mal, alors il ne faut pas s’attendre à des miracles 24 heures après. C’est pour ça que c’est bien d’avoir le test demain. On verra ce que ça donne après 48 heures, mais je pense qu’il sera plus difficile de pouvoir freiner et régulièrement fort à chaque tour. Mais je veux quand même pouvoir essayer et faire quelques tours rapides pour, au moins, être qualifié, parce que si la course se passe sous la pluie, même en partant dernier, ça change la donne. Parce que tous ces efforts qui font mal sont beaucoup réduits sous la pluie. Si on veut freiner très fort sous la pluie, on n’a plus des problèmes d’adhérence, avant même les problèmes physiques. Ça, ça pourrait être une chance de faire la course et d’aller prendre des points. Côté course, je suis donc présent pour saisir une opportunité de me qualifier, et s’il pleut dimanche, de faire une course où j’ai la possibilité de ne pas trop perdre de points. »

As-tu prévu de parler aux gens de Ducati ce week-end ou dans les jours prochains, maintenant que l’on sait que Dovizioso s’en va ?

« Il y a la facette du pilote et la facette de celui qui prépare un peu les choses, parce que même si je suis soutenu par pas mal de gens autour de moi, je n’ai pas de manager qui y va à ma place. J’ai déjà anticipé des discussions et c’est plutôt positif. Le retrait de Dovizioso permet vraiment de pouvoir presque confirmer qu’il y a une place pour l’an prochain. Après, clairement, où ? C’est là où Ducati a besoin de temps mais le pourcentage de courir l’an prochain a augmenté : il est passé de 20 à 90 %. Mon but est de rester chez Ducati parce qu’ils m’ont remis sur la voie et m’ont permis de reprendre de la confiance. Quand ça s’est bien passé, il y a eu une pole et un podium, donc c’est ça que je veux vivre et j’ai envie de le vivre avec eux. »