Juste avant la reprise, nous terminons notre tour d’horizon des bilans de mi-saison avec Marc van der Straten, le propriétaire de l’équipe Moto2 multi-championne du monde.
Un moment impliqué en Moto3 et en MotoGP, l’homme se concentre aujourd’hui sur le Moto2 mais reste toujours aussi passionné par la compétition générale, et par les exploits de ce qu’il appelle « mes félins », héritage de son passé en Afrique.
Cela ne l’empêche pas de garder les pieds sur terre et d’avoir sa propre vision forcément particulière d’un système pour qui, contrairement à lui, le bien-être d’autrui n’est pas le souci premier…
Monsieur le comte, pouvez-vous nous faire sur la première partie de saison 2021 pour vos deux pilotes, Sam Lowes et Augusto Fernández ?
« Honnêtement, la mi-saison n’a pas été facile. Elle n’a été nullement facile pour les uns et les autres, à commencer par tout ce qui s’est passé avec les conséquences de la COVID, concernant les voyages, les tests PCR, etc. Cependant, en interne, malgré cela, je suis très content que l’authenticité de mes félins et de Marc VDS est toujours aujourd’hui extrêmement présente, consolidée et joyeuse. Et quand je dis joyeuse, ce n’est pas facile parce que certains quelques petits problèmes personnels à résoudre, d’autres quelques petits problèmes de team à résoudre, mais ce qui intéressera sans doute le plus ceux qui nous soutiennent, c’est-à-dire les fans, c’est de savoir que nos pilotes sont bien dans leur peau et qu’ils vont magnifiquement bien sur les circuits. Or, vous pouvez constater que l’on a été extrêmement heureux depuis le Qatar, mais que, pour l’un comme pour l’autre il y avait des choses à discuter. Pour Sam, on n’avait pas beaucoup d’inquiétude mais, même si c’est résolu aujourd’hui, on n’a pas bien compris pourquoi cela allait moins bien. Pour Augusto, on l’aime beaucoup et on l’adore mais on ne l’avait pas réellement saisi dans le fond des choses. Au sein du team, on a le mérite de ne pas faire de différence entre Sam et lui, que ce soit pour lui ou son équipe technique. Mais on ne le reconnaissait plus bien : chute + chute + chute + chute… Ça fait beaucoup de chutes, ce qu’on n’attendait pas du tout de lui ! On ne l’imaginait pas du tout comme ça de retour dans la maison. Heureusement, nous avons pu délayer cette situation et aujourd’hui il a repris confiance et retrouver son cadre « je suis Augusto chez VDS ». Je pense qu’à la dernière course à Assen, il nous a fait une démonstration de la personne que moi j’ai été choisir à l’époque chez Sito Pons. Et ça, je pense que ce n’est pas éphémère : On le sent maintenant reparti, et les deux vont maintenant égayer vos oreilles et vos yeux ! J’en suis persuadé. »
On vous le souhaite sincèrement. Néanmoins, Sam Lowes apparaissait comme favori en début d’année, de par son expérience et sa vitesse, mais après neuf courses il figure seulement à la quatrième place du championnat, avec 85 points de retard sur le leader. Qu’est-ce qu’il lui manque encore, ou s’agit-il simplement de circonstances de course ?
« J’aime bien votre question et je vais vous dire ce que j’en pense personnellement. Tout le monde a été étonné quand on a repris contact avec Sam pour lui remettre le pied à l’étrier, mais il fallait juste se souvenir de quelque chose : Vous ne pouvez pas envoyer un pilote à 300 km/h avant un gros freinage sans qu’il sache ce qui va se passer demain. Cela peut concerner l’aspect familial ou tout autre chose dont chacun a besoin. Ça, c’est exclu et il fallait d’office résoudre ça pour lui retirer tout souci de la tête. Je pense que vous avez eu une démonstration de ça par deux fois au Qatar. Depuis, quelques petits problèmes internes se sont posés et heureusement que nous avons chez nous, dans la famille des félins, une énorme capacité de conciliation : Quand cela ne va pas, on le règle, et on n’en parle plus le lendemain. Et vous verrez que demain, chacun aura droit à sa position. Je m’explique : Vous avez vu Sam qui n’était pas du tout bien au Sachsenring, mais moi-même, en tant que boss et patron, je n’étais pas au courant qu’il détestait le Sachsenring. Cela ne peut pas fonctionner ! Mais il a remédié lui-même à ce problème et il a fait une course intelligente et sage, avec les résultats que nous connaissons. Là, je redeviens admiratif, et là je retrouve mon Sam. »
Vous êtes donc optimiste pour la deuxième partie de saison ?
« Ce qu’on a connu en maldonne dans la première va nous permettre d’ouvrir toutes les portes pour fonctionner comme il faut dans la seconde. À la base, personne ne manque de rien et on a un système qui est fonctionnel où chacun n’a jamais les défauts de l’autre : Si on doit changer une pièce qui nous tracasse sur une machine, on la changera sur l’autre machine aussi. Donc je pense qu’il faut oublier tout ça et se concentrer sur ce que nos pilotes vont faire maintenant : Ils ont toutes les clés en main pour nous faire plaisir, faire plaisir à tous les fans et très exclusivement me faire plaisir. »
Avec le départ de Estrella Galicia, la décoration de vos machines a évolué, avec maintenant une prédominance du bordeaux propre à votre écurie. On sait que vous n’aimez pas ce terme mais vous êtes le seul mécène en Grand Prix : doit-on s’inquiéter pour l’avenir à terme du team Marc VDS ?
« Jusqu’à aujourd’hui, j’ai eu le plaisir de partager ce sport avec des partenaires fabuleux. Parce que, en tant que privé, arriver à être 3,9 fois champion du monde, puisqu’il ne manquait que quatre points pour être une quatrième fois champion du monde, ça ne se fait pas tout seul. Sans parler des moyens investis de ma part, ces partenaires là étaient présents ! C’est vrai qu’à regret, nous avons perdu une amitié, car je considère ces partenaires comme des amis, comme ils me considèrent de la même façon. On ne regarde pas l’argent, on regarde le sport et on aboutit. Grâce à ce partenariat, je pense qu’on vous a toujours apporté une très très belle image généralisée, que ce soit eux, que ce soit nous ou tous ensemble. J’ai beaucoup aimé ça et je rends honneur à la direction d’Estrella Galicia. Aujourd’hui, il y a du mouvement et il y a des choses qui se passent différemment, mais indépendamment de cela nous avons toujours une coalition qui se fait, est une très belle image avec Total et ELF. Cela reste un énorme maillon de la compétition dans les sports mécaniques aujourd’hui, et sans eux, on ne fait pas grand-chose. Nous avons grand plaisir à les « imager ». »
Votre passion est donc intacte et le team Marc VDS sera encore là durant aux moins quelques années…
« Tout à fait ! D’ailleurs, dans ce domaine, même si on n’aime généralement pas parler de cela, s’il m’arrivait quelque chose, comme à notre regretté ami Fausto, j’ai souhaité le team soit partagé avec des piliers de la maison et que ce nom reste pendant encore deux voire trois ans, de façon à ce que tout ne s’écroule pas du jour au lendemain. L’image restera, pour tous ceux qui nous regardent. Marc ne sera peut-être plus là, mais toute l’équipe sera là, ainsi que tous les félins. C’est très important. »
C’est tout à votre honneur mais on ne veut même pas entendre ça ! Changeons donc complètement de sujet et parlons de l’avenir : Une idée vous tient à cœur…
« C’est quelque chose dont j’aimerais m’entretenir avec notre président, Monsieur Carmelo Ezpeleta, qui est quelqu’un avec qui nous avons plaisirs à discuter de façon constructive. Pas mal de gens nous appellent des mécènes. OK. Tant mieux qu’il y en ait. En ce qui me concerne, je n’ai jamais beaucoup apprécié ce terme parce que je trouve que le mécénat correspond plus à l’art qu’au sport. Mais peu importe, aujourd’hui, le Moto2 est une activité sportive et financière dont le but est de permettre un jeune talent de monter en MotoGP. Là, il aura une position différente et extraordinairement privilégiée, avec bien sûr un salaire différent. Mais nous, en Moto2, nous l’avons fait grandir, et nous ne sommes pas les seuls à l’avoir fait grandir. Quelque part, nous avons été le maillon dans une filière, qu’il vienne d’un championnat espagnol, italien ou japonais, ou des filières que vous connaissez, peu importe. A un moment, ce garçon arrive avec l’espoir de rentrer dans le Moto3 mondial, ce qui est une étape très difficile par rapport à ce qu’il a déjà vécu. Si on ne lui donne pas les moyens, comment voulez-vous qu’il puisse y monter ? Il faut donc aider financièrement et investir sur lui, et ceci à chacun des trois niveaux des Grands Prix.
En football, vous avez des transferts à coup de millions. C’est un sujet qui, sans être tabou, n’est pas très concret dans le domaine de la moto, mais quand je vois un garçon comme Alex Márquez qui est resté chez nous pendant trois ans et a eu le bonheur de rentrer dans la grande maison dans laquelle il est aujourd’hui, ou Franco Morbidelli que nous avons traité avec tous les égards et qui est aujourd’hui là où vous savez, je me dis que quand ils excellent et font un podium ou gagnent en MotoGP, ce sont les marques qui en profitent en vendant X milliers de motos. Je ne vois donc pas pourquoi il ne serait pas judicieux demain de faire une répartition de ces profits avec les équipes Moto2 et Moto3 qui ont choyé et investi sur ce pilote pendant des années. Aujourd’hui, il y a au moins trois ou quatre teams qui seraient heureux que l’on aboutisse à quelque chose de constructif comme ça. »