Après avoir recueilli les premières impressions de Randy de Puniet et Mike Di Meglio concernant les premiers essais officiels des MotoE à Jerez, voici celles de Kenny Foray, le seul français qui roulera dans une équipe française.
Né le 2 Août 1984 à Sèvres mais n’ayant jamais couru en Grand Prix, il est moins connu du grand public malgré sa déjà longue carrière dont voici les grandes lignes:
2018 : 2ème du Championnat de France Superbike et Championnat du Monde d’Endurance
2017 : Champion de France Superbike et Championnat du Monde d’Endurance
2016 : 2ème du championnat de France Superbike Evo. 3ème des 8 heures d’Oschersleben
2015 : Champion de France Superbike Stock. Vice champion du Monde d’Endurance. Vainqueur des 8 heures d’Oschersleben, 2ème du Bol d’Or
2014 : Champion du Monde d’Endurance. 2ème des 24 heures du Mans, 2ème du Bol d’Or
2013 : Vice champion du Monde d’Endurance. 3ème des 24 heures du Mans
2012 : Pilote officiel Yamaha France GMT94. 3ème du Championnat du Monde d ‘Endurance. 3ème des 8 heures de Suzuka. 3ème des 8 heures d’Oschersleben
2011 : Pilote officiel Yamaha France GMT94. 3ème du Championnat du Monde d ‘Endurance. Vainqueur des 8 Heures de Doha. Vainqueur des 24 heures de Barcelone
2010 : Pilote officiel Yamaha France GMT94. Championnat du Monde d ‘Endurance
2009 : Champion de Pologne Supersport. Pilote officiel Kawasaki. 2ème du Bol D’or. 6ème du Championnat de France FSBK
2008 : Vainqueur Superstock des 24 heures du Mans et du Bol d’Or avec le Suzuki Junior Team LMS. 13ème de la Coupe FIM Superstock 1000 avec Yamaha Zone Rouge
2007 : Champion de France Supersport
Kenny, Guy Coulon nous a confié que malgré un poids important, les MotoE ont déjà atteint un niveau de performance assez impressionnant, en particulier sur le mouillé (voir ici). Bien que non impliqué directement dans l’équipe Tech3 E Racing, l’ex-responsable technique de Johann Zarco, et actuel de Miguel Oliveira, semble même assez émoustillé par ce nouveau projet dont la première des 5 courses aura lieu à Jerez le 5 mai. Qu’en est-il vraiment en ce qui te concerne ?
Kenny Foray : « oui, c’est vrai, mais on n’a pas eu énormément d’essais et on en a même fait très peu. Après, peut-être aussi que le circuit de Jerez est un très bon circuit sous la pluie. Les Moto2 roulaient en alternance avec nous, mais elles roulent avec des Dunlop alors que l’on roule avec des Michelin. Donc, tout cela peut être une explication, mais ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas tort de dire que les performance étaient assez folles. Car même si on a roulé très peu sur le sec, les meilleurs étaient en 50′, et les meilleurs sous la pluie étaient en 56′. Et il y a peut-être encore moyen d’aller plus vite. C’est quand même relativement rare de voir des performances qui sont aussi proches entre le sec et le mouillé. Ce qui est sûr, c’est que la moto est très performante. Est-ce dû à son poids ? Franchement, je ne sais pas, mais c’était impressionnant ».
Au début, est-ce vraiment déstabilisant de piloter une moto électrique ?
« L’avantage, c’est qu’il s’agit d’une moto qui est très bien née, donc ça reste une moto. La plupart des gens me demande si je suis déstabilisé par l’absence d’embrayage et de sélecteur, mais c’est tellement fin et ça fonctionne tellement bien que tu t’y habitues très très vite. Et le vrai avantage, un peu comme avec un variateur, c’est que peu importe où tu te trouves dans un virage serré ou dans un virage rapide : si tu veux des chevaux, tu en as ! C’est comme si tu avais un moteur parfait avec une boîte parfaite. Tu n’as plus à te poser la question de savoir si tu es assez dans les tours ou si tu dois descendre une vitesse : si tu veux des chevaux, tu as juste à tourner la poignée. Ça, il faut un peu s’habituer au départ car tu es légèrement surpris de ne pas avoir à rétrograder, mais franchement, au bout de 2 séances, ça devient naturel et les sensations du pilote reviennent très vite. C’est donc surprenant au départ, mais ce n’est pas un problème ».
Enfin, c’est surprenant au départ, seulement pour quelqu’un qui ne roule pas en Tmax…
« (Rires). Oui, si tu as l’habitude de rouler en scoot, tu t’adaptes peut-être encore plus vite ».
L’absence d’embrayage et de vitesses ne t’ont pas gêné, mais y a-t-il quelque chose qui l’a fait ? Ou, à défaut, qui t’a surpris ?
« En endurance, plus on a des motos lourdes, plus on a tendance à casser notre virage et à relever notre moto pour accélérer. Et d’autant plus avec les pneus avec lesquels je travaille depuis 3 ou 4 ans : c’était souvent ça le point fort de notre moto. Là, avec la MotoE, ce qui m’a surpris et ce qui m’a demandé un peu de temps, c’est de me rendre compte que ce n’est pas du tout efficace. Par la suite, j’ai vu que cela se conduisait plus comme une Moto2 ou comme une Moto3, parce qu’il faut remettre les gaz très vite, il faut perdre le moins de vitesse possible et garder beaucoup de vitesse de passage. C’est ça qui est le plus surprenant et très contradictoire : tu as une moto qui a plus de poids et qui se conduit comme une petite cylindrée. C’est assez surprenant, surtout pour moi qui ai passé 15 ans de ma vie sur des motos d’endurance, et où, généralement, plus il y a de poids, plus il y a de puissance. Une 600 fait 150 kg, puis quand tu passes en 1000 la moto fait 175 kg mais elle a 60 chevaux de plus. Là, tu as une moto qui est encore plus lourde mais qui a moins de chevaux. Il faut donc vraiment adapter son style de pilotage, et je pense que c’est pour ça qu’il y a encore un peu d’écart entre tout le monde pour le moment. Quand on aura fait toutes les journées d’essais, je pense que les chronos vont beaucoup se resserrer ».
Donc, comme on dit parfois, « ça le fait » ?
« Franchement, oui. Je prends beaucoup de plaisir. Je ne pense pas que vous arriverez à trouver un pilote qui vous dira que c’est nul, car la moto est bien née et ça reste une moto : il y a des freins qui freinent très bien, il y a des pneus qui fonctionnent très bien, le châssis est très bien né, et il y a une très bonne connectivité entre la poignée « de gaz » et le sifflement produit par la moto. Donc tu as vraiment l’impression de rouler sur une moto de course. Après, c’est vrai que quand tu roules sur les vibreurs, tu entends les vibreurs (rires). Tatatatatata…
Ce qui est sur, c’est que parmi tous les pilotes avec qui j’ai parlé, il n’y en a aucun qui te dit qu’il n’a pas pris de plaisir. Après, je pense que le plaisir est sans doute moins grand qu’en MotoGP, mais c’est agréable ».
Certains commencent à s’inquiéter au sujet du premier virage de la première course, notamment parce que toutes les motos vont s’élancer exactement de la même manière à cause de l’absence d’embrayage. Comment vois-tu les choses ?
« Je ne vois pas en quoi cela peut poser plus de problèmes qu’avec une moto classique car la gestion du départ est bien moindre. Si tu es en 2e ligne, cela va être très dur de remonter sur la première. Là, il faut juste mettre à fond alors qu’il faut gérer l’embrayage dans les autres catégories, ce qui peut amener des mauvais départs. Là, tu n’est pas sensé faire de mauvais départs.
Le seul truc qui peut peut-être amener des accrochages, c’est qu’à mon avis les premiers virages vont être extrêmement importants. Comme toutes les motos sont les mêmes, doubler va être plus difficile et il falloir essayer d’être dans le groupe de devant dès le début. Si tu te retrouves 15e au premier tour, je pense que ça va être compliqué, d’autant que les courses sont courtes. Donc je pense plus au premier tour qu’au premier virage, car il falloir attaquer pour y faire sa place. Mais pour le départ, je pense au contraire que l’écart ne devrait pas beaucoup changer entre le premier et le dernier dans la première ligne droite ».