Comme nous le faisons systématiquement en hiver, nous avons profité de cette longue, très longue, pause estivale pour demander à un certain nombre d’intervenants du paddock MotoGP de dresser un bilan de cette première demi-saison 2021.
À tout seigneur tout honneur, c’est Hervé Poncharal, à la fois président de l’IRTA et copropriétaire du team Tech3, qui inaugure cette série estivale.
Vous pouvez retrouver la première partie de cette interview ici
Alors, à l’inverse, on a appris récemment que Maverick Viñales allait abandonner une place très convoitée…
« Oui, cela a été un coup de tonnerre incroyable ! On a un pilote d’usine qui a un contrat de deux ans ferme, avec une machine qui est en tête du championnat du monde, avec un salaire excessivement confortable, qui décide de partir parce qu’il n’est plus heureux, ne se sent plus à sa place et peut-être pas assez supporté. Je ne connais pas les détails mais c’est un coup de tonnerre incroyable. Après, on peut dire qu’il est fou ou tout ce qu’on veut, mais quelque part ça apporte quand même une note d’humanité. Ça montre que les pilotes ne sont pas uniquement intéressés par avoir l’écurie la plus prestigieuse, la machine la plus performant et le salaire le plus élevé qu’ils puissent avoir. Je ne sais pas exactement ce qu’il lui manquait mais il s’est estimé, que ce soit sur le plan technique ou humain, pas très heureux là-bas. Est-ce que c’est la paternité qui lui a fait voir les choses différemment, est-ce qu’il a mis le curseur de ses priorités un endroit différent, je ne sais pas, mais c’est quand même quelque chose à signaler, qui n’est pas banal et qui n’est pas fréquent. Il y en a qui peuvent dire que c’est une décision folle, mais on peut dire aussi que c’est méga couillu. Je ne sais pas si le terme romantique ou romanesque peut choquer des gens mais on peut dire aussi que, dans ce sens, c’est un peu romantique. »
Il y a déjà eu un précédent avec Johann Zarco…
« Oui, mais ça n’a rien à voir. Ça n’a rien à voir parce que le weekend où Maverick a pris sa décision, il fait la pole et il peut se battre pour la victoire. Johann, lui, était en galère et ne se sentait pas à l’aise. Maverick a gagné la première course et ça reste malgré tout, même s’il a un peu de retard, un potentiel candidat au titre, donc on ne peut pas trop comparer, même s’il y a aussi une certaine forme de panache et de romantisme dans la décision de Johann. »
Revenons à Tech3. La situation n’est pas facile mais on attend des jours meilleurs pour l’année prochaine avec, peut-être, une décision et/ou une annonce en Autriche…
« Effectivement, ce n’est pas facile, mais, effectivement, ce n’est pas très très drôle. Mais on a vu, même si ce n’était pas une méga super perf, que le weekend du Mans a apporté un boost dans le moral de l’équipe : Les sourires, et les paillettes dans les yeux pour tous les membres de l’équipe. Donc oui, notre adrénaline, ce qui nous fait avancer, ce sont les résultats, donc en ce moment c’est un peu morne plaine et un peu tristos, et les pilotes sont aussi un peu tristos de faire les résultats qu’ils font, et tout le monde a un peu la mine des mauvais jours. Donc oui, ce n’est pas une période très simple, mais on n’est pas hyper surpris car on ne s’attendait pas à faire des pole et des victoires à chaque course en début de saison. On s’y attendait un peu ! On sait aussi qu’il n’y a pas besoin de grand chose qui change dans une équipe pour que tu deviennes un top team. Quand tu regardes les performances de Pramac au Qatar, quand Martin n’est pas encore blessé, c’était top ! Chez Repsol Honda, qui est quand même l’écurie la plus huppée et la plus grosse machine de guerre, à part le rayon de soleil du Sachsenring, on était quasiment meilleur qu’eux au niveau résultats ou en tout cas on jouait avec eux. Donc les choses peuvent changer excessivement rapidement.
Oui, aujourd’hui c’est compliqué et ce n’est pas facile mais on est très heureux de voir l’évolution de Remy Gardner. Il a débuté en Moto2 avec nous, et on l’a vu évoluer au fil des saisons. Il en a fait deux chez nous puis il en a fait deux chez Stop and Go, et chaque année on le voit progresser et grandir. Je pense que la victoire de l’année dernière, à la dernière course à Portimão, a vraiment été un déclencheur : C’était ce dont il avait besoin. Il l’a bien digérée et bien vécue pendant l’hiver, et là, cette année, il fait une saison incroyable. Jusqu’à présent, il était rapide mais il faisait relativement souvent des erreurs, mais cette année il est encore plus rapide et tu vois qu’il est excessivement méthodique en course. Il y est intelligent et il arrive relativement souvent à prendre le dessus sur son coéquipier, plus en stratégie et en gestion de son potentiel. C’est vraiment quelqu’un qui est en train de beaucoup, beaucoup apprendre, de beaucoup mûrir, et je trouve que c’est magnifique ce qu’il est en train de faire pour l’instant. Sur la première moitié de saison, on peut dire qu’il a fait zéro erreur ! Évidemment, tu sens qu’il est mûr pour arriver en MotoGP, donc le retrouver et le retrouver avec ce niveau de performance et de zénitude, même si on n’a jamais hâte de vieillir c’est très très motivant pour l’année prochaine. Ça va être très intéressant de le voir débuter sur la MotoGP, parce qu’il en a une envie folle et je pense, quand on voit les top pilotes Moto2 qui ont rejoint le MotoGP qui sont tous performants, qu’il sera performant. Je le trouve vraiment intelligent dans son approche de la course : Il est prêt à faire le saut dans la catégorie reine. C’est enthousiasmant et c’est quelque chose qui nous excite. »
A propos d’excitation, est-ce que les courses Moto3 vous apportent la même intensité de plaisir et de stress que les courses MotoGP ?
« Pour moi, plus ! Plus, parce que j’ai un rapport encore plus proche avec mes deux pilotes Moto3. Ils sont plus jeunes et plus en demande d’une sorte de papa de substitution ou de grand frère. Deniz (Öncü) n’a pas le permis de conduire et Ayumu (Sasaki) est trop jeune pour pouvoir louer une voiture de location, donc on est beaucoup plus avec eux que les pilotes MotoGP qui sont indépendants. Danilo est avec son assistant et se gère tout seul. Idem pour Iker. Par contre, mes deux pilotes Moto3, je les ramène tous les soirs à l’hôtel, je les emmène tous les matins sur le circuit, donc on est beaucoup plus ensemble. Je suis très proche d’eux sur le plan humain : On essaie de les faire grandir, on essaie de leur faire apprendre tout un tas de choses, au niveau de la course et de la vie.
Et puis les courses sont tellement intenses que tu as le palpitant qui cogne. Les jeunes sont plus fous ! Les pilotes MotoGP, même s’ils sont chauds-bouillants, ils ont conscience qu’il faut marquer des points à chaque fois, donc il y a des manœuvres ultimes qu’ils ne feront pas, d’autant que les machines sont plus lourdes et plus puissantes, donc plus délicates à gérer. En Moto3, c’est la course dans son intensité la plus forte qui existe ! Donc moi je suis plus stressé pendant une course de Moto3, quand je regarde Deniz et Ayumu, que pendant une course MotoGP, par ce que les pilotes Moto3 sont plus fous et que mes pilotes font aussi partie des fous. A chaque virage, il peut se passer des choses incroyables ! En MotoGP, il y a quand même plus de sagesse, de recul et de réflexion de la part des pilotes. »
A suivre…