Lin Jarvis est l’homme de Yamaha en Grand Prix depuis des lustres, et cette longévité fait qu’il est l’un des responsables d’écurie en Grand Prix qui a côtoyé le plus longtemps dans le box un certain Valentino Rossi. Cette relation va s’achever à la fin de cette année où le Doctor quittera le cuir pour revêtir le costume de retraité. C’est donc le moment de faire le bilan et l’Anglais ne cache pas que le nonuple Champion du Monde a aussi sa part d’ombre. Un côté obscur qui lui aurait coûté ce fameux dixième titre dont il devra se passer à jamais…
Sur le casque de Valentino Rossi, il y a un soleil et une lune et, en ce moment, sa prolifique carrière en est à son crépuscule. Mais avant d’entrer dans la nuit, Lin Jarvis, qui en connait un rayon sur le Doctor, se laisse aller à des confidences qui pourraient être l’aube d’une dernière polémique. Il s’est ainsi confié à Mat Oxley sur certaines étapes clé sur sa relation avec Vale. Avec des évaluations qui ne manqueront pas de faire débat.
L’histoire a bien sûr son début et elle date de 2003 : « en 2003, nous avons rencontré Valentino dans le plus grand secret avec Davide Brivio à la Clinique Mobile » se souvient Lin Jarvis. « Il nous a dit que si nous prenions ses hommes, il courrait pour nous. Je n’y croyais pas, cela ressemblait à un rêve. Je lui répondu : « vous êtes sérieux ? Vraiment ? Attends, si on peut arranger ça dans le contrat, tu viens chez Yamaha ? Et il a dit ‘Ouais c’est ce que je viens de dire !’ Ce fut un moment mémorable ».
« Beaucoup de gens ont dit qu’avec Valentino c’était un risque et ça l’était » précise Jarvis. « Lorsque nous avons remporté la première course en Afrique du Sud, nous avons réalisé que tout était possible. C’était une pure joie : une émotion inoubliable. L’autre moment magique s’est produit à Phillip Island, où il a remporté le titre mondial 2004 ».
Mais « l’histoire » entre Yamaha et le Docteur n’est pas seulement écrite à l’eau de rose. Il y a aussi eu des épines avec de sérieux moments de tension… L’arrivée de Jorge Lorenzo n’a pas plu à Vale. La marque d’Iwata craignait que Valentino Rossi ne passe en F1 et avait donc besoin d’un remplaçant : « les gérer tous les deux dans le garage n’était pas une chose simple » se rappelle le manager anglais. « En 2010, il a dit ‘Moi ou Lorenzo’. Ce qui est inacceptable pour nous. Notre relation a commencé à se détériorer et il y avait beaucoup d’amertume ».
Une amertume qui a conduit à la séparation avec le départ de Rossi vers Ducati. Un retentissant échec pour Vale qui est ensuite revenu frappé à la porte du motor-home Yamaha… Qui ne s’est pas ouverte comme ça, loin s’en faut : « Jorge Lorenzo a remporté le titre avec nous en 2010 et 2012 » se souvient Lin Jarvis. « Il était donc très, très délicat et difficile d’essayer de ramener son ennemi juré dans l’équipe. La première approche de Valentino à notre égard est venue de son équipe. Certains chez Yamaha ne voulaient pas le ramener, mais je voyais les avantages pour la marque et j’étais convaincu que ce serait une bonne affaire. Je suis donc allé rencontrer Valentino chez lui à Tavullia et nous avons beaucoup discuté. Ce fut un moment très spécial après que notre relation se fut tellement détériorée ».
Lin Jarvis : « si Rossi n’avait pas provoqué Marc Marquez en 2015 il aurait été Champion du Monde«
Cette réconciliation faite, Valentino Rossi n’a pas été pour autant en paix dans le paddock et s’ouvrant un nouveau front avec Marc Marquez en 2015. Une situation et une année qui ont beaucoup marqué un Lin Jarvis qui est persuadé que l’événement et le moment ont changé le cours de l’histoire. Il précise ainsi : « si Valentino n’avait pas remis en cause Marc Marquez après Phillip Island, il n’aurait probablement pas explosé comme ça et Vale aurait gagné le championnat du monde« .
Et il termine avec cette certitude : « avec ce qui s’est passé en 2015, le MotoGP a commencé à ressembler à du football, avec des supporters partisans insultant les pilotes. Cela a changé à jamais la course de motos : le sport que nous aimons s’est empoisonné ». Ainsi, Valentino Rossi aurait été à la fois un bienfait et une calamité pour le monde des Grands Prix. Une lumière et des ténèbres entrelacées que l’on retrouve avec le soleil du jour et la lune de la nuit qui ont toujours accompagné les décorations de son heaume.