Si la lutte pour le titre nous passionne tous, la troisième place du championnat est également très disputée. Qui, de Espargaró ou de Bastianini, héritera de cette position ? Analyse.

I) Oubliez la première place

Si les deux pilotes peuvent encore prétendre à la couronne de champion du monde, il faut pourtant faire preuve de réalisme. Pecco, comme précisé dans l’article d’hier, est simplement trop rapide, trop régulier dans la performance pour être rattrapé par Aleix ou Enea. Si « Bestia » est le seul à pouvoir battre Bagnaia en duel, il accuse désormais 42 points de retard. Il faudrait un miracle pour le voir s’imposer au général.

Pour Aleix Espargaró, la situation est différente. Bien que son déficit s’élève à 27 points « seulement », l’Espagnol a du mal à faire fonctionner une RS-GP stagnante depuis la mi-saison. Alors, certes, tout peut se passer en MotoGP ; Il faut simplement garder à l’esprit qu’un revirement de situation comme celui-ci serait inédit dans l’histoire des Grands Prix motos. Malheureusement pour lui, Aleix ne dispose pas de la vitesse suffisante pour forcer le destin.

En revanche, la deuxième place est plus que jamais d’actualité. Malgré une course mitigée en Australie, l’aîné Espargaró a repris sept points à Fabio Quartararo qui ne trouve plus de solutions. Même Bastianini, à 28 points, pourrait bien finir dauphin de son futur coéquipier si le momentum reste inchangé.

 

Bastianini est-il le « MVP » de la saison ? Photo : Michelin Motorsport

 

II) Espargaró ou Bastianini ?

15 points. C’est l’écart qui sépare les deux prétendants à la troisième place de cette formidable saison 2022. Dans le cadre de cette analyse, il est important de comprendre que 15 unités, ce n’est pas rien. Il faudrait donc que « Bestia » marque 7,5 points de plus qu’Aleix par manche. Est-ce possible ? Afin de nous caler sur un échantillon pertinent, toutes les moyennes qui suivent furent calculées à partir de la reprise estivale, soit le Grand Prix de Grande-Bretagne.

Espargaró a scoré une moyenne de 7,6 points par course (ppc), contre 12,3 ppc pour Bastianini. La différence, de 4,7 ppc seulement, n’est donc pas suffisante si l’on s’en tient à la forme récente réelle des deux pilotes. En revanche, cette statistique ne reflète pas la performance.

Afin de la déterminer, nous allons éliminer les résultats hors des points, sur la base des « power rankings » américains. Un épisode a déjà été consacré à ce mode de calcul. Cet outil tombe à pic, car les deux seuls résultats blancs de Aleix et de Enea ne reflétaient point une faute de pilotage. Il s’agissait d’un problème mécanique pour l’Italien à Spielberg, et d’une erreur humaine sur l’Aprilia à Motegi.

Ainsi, Aleix cumule 9,2 ppc, soit la septième place en moyenne, contre 14,3 pour Bastianini, soit la quatrième position. Cela représente une différence de 5,1 ppc, toujours pas suffisant pour le pilote Gresini. Sur l’analyse statistique uniquement, il y a finalement très peu de chances que « Bestia » accroche Espargaró au championnat, contrairement à ce que l’on pourrait penser au vu des résultats récents.

 

Aleix encore trahi par son électornique à Phillip Island, ne peut faire mieux que 9e. Photo : Michelin Motorsport

 

III) Pourquoi Enea peut le faire

Les statistiques sont importantes, certes, mais ne permettent pas d’appréhender totalement une situation dans un sport aussi volatile que la MotoGP. Bastianini peut y croire, pour deux raisons.

Premièrement, son momentum. Aleix n’a jamais été pro-actif depuis le début de saison, hormis à Termas de Rio Hondo et à Assen. Au delà de ça, il est en constante réaction et suit le rythme plutôt qu’il ne l’impose. Tout l’inverse de Bastianini, qui va constamment de l’avant, et ne calcule rien.

C’est là tout l’avantage de l’Italien. Sa saison est exceptionnelle depuis le Qatar. Il n’a strictement rien à perdre. Pour Aleix, c’est différent. Certes, il réalise également une grande année, mais est à la troisième place depuis si longtemps, qu’un sentiment de gestion apparaît nécessairement dans son approche. Une quatrième place n’est certainement pas son objectif et le décevrait grandement.

Ajouté à la dynamique statistique précédemment évoquée, le momentum pourrait bien aider Bastianini. Plus l’étau se resserre, et plus il se rapproche et cela va sans doute continuer jusqu’à Valence. Bien sûr, une chute est possible, mais il n’est pas tombé en course depuis la Grand Prix de Catalogne, soit neufs Grands Prix en arrière.

Deuxièmement, son niveau de performance. L’analyse de la piste reste maîtresse. Bastianini est meilleur que Espargaró cette saison dans quasiment tous les compartiments. Dispose d’un meilleur rythme de course (Qatar, Austin) mais aussi d’une bonne vitesse sur un tour (Spielberg, Buriram), proactif en paquet mais aussi en duel (Misano), doté d’un plus grand sang froid (Aragón) mais aussi d’un plus grand sens de la course et du dépassement (Le Mans), malgré ses deux années seulement passées en catégorie reine. Aleix, de son côté, chute moins cette saison, et bénéficie d’une grande expérience… Mais il ne s’est jamais retrouvé dans une situation similaire.

 

Un nouveau shérif en ville. Photo : Michelin Motorsport

 

Conclusion :

Histoire de nous mouiller, nous prévoyons (tout du moins l’auteur de cet article, qui n’implique pas le reste de la rédaction) un revirement de situation avec Bastianini en troisième – ou deuxième -position du championnat à Valence. Attention, c’est un pari risqué, car même si Bagnaia a banalisé les remontées exceptionnelles en 2022, 15 points en deux manches représentent un gouffre.

Cependant, nous pensons que c’est le momentum favorable à « Bestia » qui l’aidera le plus, au-delà de toute considération statistique. Pourquoi ne prendrait-il pas tous les risques pour aller le chercher ? Sepang correspond bien à sa machine, sans doute plus que l’Aprilia, et peu sur la grille ont plus de confiance. Aleix, de son côté, peine réellement avec sa moto et son électronique (11e et 9e sur les deux dernières courses) et compense son manque de rythme par un pilotage sur le fil (Buriram) et des bons tours qualifs. Pour l’instant, ça passe, mais jusqu’à quand ?

En tout cas, nous reconnaissons et félicitions d’avance ces deux grands champions pour leur magnifique exercice 2022. Quel est votre pronostic ? Dites-le-nous en commentaires !

Photo de couverture : Michelin Motorsport