De nombreux modèles de motos ont été récemment présentés par les constructeurs, et leur première motivation pour les mettre à jour a été le respect des normes antipollution Euro5. Mais en fait, qu’est ce que contient cette norme ?

Il y a à peine quelques années, les constructeurs de motos ont dû respecter les normes antipollution Euro 4. Ceci a conduit à l’abandon de nombreux modèles ainsi qu’à l’explosion de nouvelles technologies comme le ride-by-wire, mais elle est déjà en fin de vie : introduite dès début 2020, la norme Euro 5 fait désormais foi dans le monde du 2 roues pour les nouveaux modèles, et depuis le 1er janvier de cette année, les modèles existants doivent également s’y conformer.

Les nouvelles règles découlent en fait du même texte législatif qui a introduit Euro 4 : le règlement (UE) n°168/2013 concernant « l’homologation et la surveillance du marché des véhicules à deux ou trois roues et quadricycles ». Adoptée début 2013, elle a défini un itinéraire par étapes pour réduire les émissions des 2 roues sur une période de plusieurs années. En janvier 2016, les règles Euro 4 ont été appliquées à toutes les motos nouvellement homologuées. En janvier 2017, les mêmes règles ont été appliquées aux modèles existants – bien que les différents constructeurs aient réussi à utiliser une dérogation pour gagner deux années supplémentaires de grâce afin de continuer à vendre un petit nombre de modèles Euro 3 jusqu’à fin 2018.

Alors que la dernière de ces anciennes machines Euro 3 n’a été retirée de la vente sur le marché européen que récemment, Euro 5 signifie que les modèles qui répondent à la norme actuelle Euro 4 sont mis à jour ou simplement remplacés pour répondre aux nouvelles limites.

On pourrait penser qu’une législation européenne n’est pertinente que sur ce continent, mais les règles d’émission européennes sont en train de devenir une référence mondiale. Les marchés internationaux, notamment l’Inde et la Chine, fondent également leur législation sur les limites d’émissions européennes, et le Japon s’est également aligné sur Euro 4 en 2017.

Même l’Amérique, qui a ses propres limites d’émissions, reçoit sur son sol des machines développées pour répondre aux normes européennes, qui peuvent si nécessaire être adaptées aux règles américaines.

C’est quoi, en fait, Euro 5 ?

Par rapport à Euro 4, les limites d’émissions sont beaucoup plus faibles, c’est donc un défi considérable pour les constructeurs à la fois en termes de respect de la législation tout en maintenant un coût raisonnable pour le client.

Les limites ont diminué d’environ un tiers en moyenne, et à mesure ces limites diminuent, il devient de plus en plus difficile de les respecter car les solutions techniques sont de plus en plus chères.

Ainsi, les normes antipollution imposent des restrictions sur la quantité de monoxyde de carbone (CO), d’hydrocarbures (HC) et d’oxydes d’azote (NOx) produites à la sortie de l’échappement. En plus de cela, Euro 5 ajoute une limite à la quantité d’hydrocarbures non méthaniques dans l’échappement, et cela s’avère être un défi particulier pour les concepteurs de moteurs.

Les hydrocarbures sont essentiellement du carburant qui n’a pas complètement brulé dans la chambre de combustion, et les hydrocarbures non méthaniques sont simplement ceux qui ne contiennent pas de méthane. L’UE part du principe que les hydrocarbures non méthaniques représentent environ 68% des hydrocarbures totaux. Mais en réalité, sur la plupart des moteurs, les hydrocarbures non méthaniques représentent plus de 90% du total. Le vrai défi est de pouvoir réduire les émissions d’hydrocarbures non méthaniques sans augmenter les NOx, car l’un veut que le catalyseur soit riche et l’autre veut que le catalyseur soit pauvre, il faut donc trouver le meilleur compromis.

 

 

Par rapport à l’automobile, où les régimes atteints sont relativement faibles, les moteurs de moto – et les sportives étant développées pour la performance à haut régime – produisent beaucoup d’hydrocarbures imbrulés (HC).

En effet, à très haut régime, afin que les gaz d’échappement sortent du cylindre tout en ayant le temps qu’un mélange air/essence frais soit admis, cela nécessite un croisement de soupapes important – lorsque les soupapes d’admission s’ouvrent avant la fermeture des soupapes d’échappement. À bas régime, cependant, ce croisement des soupapes cause des problèmes d’émissions polluantes, car il laisse le temps au carburant non brûlé de sortir directement dans l’échappement. Réduire la production de ces polluants nécessite le développement de technologies, et donc un coût supplémentaire, afin de garantir le même niveau de puissance.

Pour réduire les émissions polluantes, les motos sont équipées de catalyseurs. Lorsqu’ils sont chauds, leur efficacité de conversion est très élevée, supérieure à 95%. Mais c’est lors de la phase de chauffe que la majorité des polluants, et notamment les HC, sont produits.

Plus les catalyseurs sont gros et plus ils contiennent de métaux précieux, plus ils sont chers. Pour couronner le tout, ils sont difficiles à intégrer de manière esthétique sur une moto.

Une condamnation à mort pour certains modèles ?

Alors que de nombreux véhicules seront mis à jour pour répondre aux exigences de la norme Euro 5, la nouvelle réglementation verra inévitablement l’abandon de certains modèles plus anciens.

Certains constructeurs qui ne ré-homologueront pas certains véhicules en version Euro 5. L’analyse de rentabilisation ne fonctionne tout simplement pas : il sera trop coûteux de développer ces véhicules pour répondre à la nouvelle législation, donc ils arrêteront de les fabriquer. Cela concerne par exemple la Yamaha FJR 1300, la Yamaha R6, toute la gamme Harley Davidson Sportster, les V4 Honda (VFR800 et 1200), la Suzuki GSXR 1000, et bien d’autres modèles emblématiques !

Les moteurs refroidis par air sont inévitablement menacés chaque fois qu’il y a une nouvelle série de réglementations sur les émissions, et Euro 5 n’échappe pas à la règle.

Sur ces moteurs, le problème est le contrôle de la température. Au début du cycle de test, le moteur est à 20°C. Un moteur à refroidissement liquide est optimisé pour fonctionner à 90°C, alors qu’un moteur refroidi par air verra son fonctionnement optimal aux alentours des 120 à 150°C. Ainsi, la phase de chauffe d’un moteur refroidi par air va prendre plus de temps que son homologue à refroidissement liquide, équipé d’un calorstat qui peut fermer le flux de liquide de refroidissement vers le radiateur.

De plus, au cours des dernières étapes du cycle de test, lorsque le moteur est chaud, il n’est pas possible de contrôler la température d’un moteur refroidi par air, alors que sur un moteur à refroidissement liquide, le calorstat s’ouvre pour favoriser le refroidissement. Ainsi, la production de NOx augmente lorsque la chambre de combustion atteint des températures plus élevées.

Dans la seconde partie de ce dossier, nous verrons quel est l’impact pour les constructeurs, mais aussi quelles sont les solutions techniques envisagées pour limiter la pollution.