A eux cinq, ils dépassent largement le siècle de journalisme consacré aux Grands Prix et ils se sont réunis pour la première fois pour faire le point en vidéo sur toutes les questions que se posent le petit monde du MotoGP.
Le maître des débats, Franco Bobbiese, qui officie habituellement dans l’émission italienne Paddock TV, est en effet entouré de l’ancien pilote et excellent journaliste Mat Oxley (MotorsportMagazine.com, Royaume-Uni), de Michel Turco (Moto Revue, France), de Manuel Pecino (PecinoGP.com, Espagne) et de Giovanni Zamagni (Moto.it, Italie).
Nous vous proposons le résumé suivant, pour ceux qui ont un peu de mal avec la langue de Shakespeare…
Après avoir passé en revue les conséquences finalement assez similaires de la pandémie dans les différents pays d’origine des journalistes présents, ces derniers en arrivent logiquement à la première question qui intéresse tout le monde : « comment va se dérouler le championnat MotoGP ? »
Mat Oxley oscille entre un début au mois d’août et un championnat blanc. Faisant allusion aux déclarations de Pit Beirer qui envisage des courses à huis clos et des équipes réduites, le journaliste britannique considère que c’est la seule solution envisageable.
Manuel Pecino est également positif, en précisant que les courses se dérouleront sans doute en Europe pour des raisons de coût, alors que Michel Turco fait remarquer que cela ne correspondrait pas au prestige du MotoGP, en particulier pour KTM qui a investi jusqu’alors de gros moyens. Le journaliste français, pas très optimiste, envisage des courses peut-être possibles à partir des mois de septembre et d’octobre, et est rejoint en cela par Giovanni Zamagni qui fait par ailleurs remarquer que pour faire des Grands Prix, il faut aussi des commissaires de piste, des cameramen et tout un personnel technique, ce à quoi Mat Oxley répond que quatre Grands Prix en Espagne pourraient constituer l’ossature du championnat, en ne dépendant que de l’autorisation d’un seul gouvernement d’un pays qui fournit à la fois les commissaires de piste, les cameramen et un grand nombre de personnel et de pilotes.
Manuel Pecino fait remarquer que les situations de l’Espagne, l’Italie et la France, voire du Portugal, étant assez similaires, on pourrait envisager championnat se déroulant dans ces trois pays si les différents gouvernements trouvaient un accord.
Giovanni Zamagni fait alors remarquer que les Italiens continentaux n’ont actuellement pas le droit de se rendre en Sardaigne, car celle-ci est beaucoup moins touchée par le virus que la botte, et donc que ce n’est pas gagné d’avance. Michel Turco plussoie en soulevant par ailleurs le problème de tout le personnel des constructeurs japonais impliqués.
Interrogé sur ses discussions avec Hervé Poncharal, le président de l’IRTA, le journaliste français indique que celui-ci était tout d’abord inquiet de la situation mais que celle-ci s’était améliorée depuis l’intervention financière de Dorna en faveur des teams.
Manuel Pecino reporte alors que Carmelo Ezpeleta a rencontré les responsables du fonds de pension canadien Bridgepoint (principal actionnaire de Dorna Sports) après le Qatar, et que les gestionnaires du MotoGP seraient prêts à perdre 80 millions cette année en aidant les teams Moto3, Moto2 et MotoGP pour sauver les Grands Prix. Mat Oxley fait alors remarquer que les teams sont des entreprises qui peuvent également être aidées par leur gouvernement respectif, ce qui est également le cas en France. D’après Giovanni Zalagni, la situation est beaucoup moins claire en Italie…
On en vient alors à la situation des constructeurs, beaucoup plus délicate en ce qui concerne les européens Ducati, Aprilia et KTM que les japonais Honda, Yamaha et Suzuki, ces derniers étant d’une taille beaucoup plus grande et opérant avec vigueur sur un marché asiatique en plein développement avec gamme beaucoup plus large.
Manuel Pecino indique que Yamaha ne fait que 11% de son bénéfice en Europe et rappelle que Honda vend chaque année 17 millions de deux-roues contre 55 000 pour Ducati.
Par ailleurs, il informe que Ducati a annulé tous ses contrats avec avec des entreprises extérieures et que tous les employés y compris ceux du département compétition « et apparemment aussi les pilotes verront leurs revenus diminués. C’est une situation d’urgence et, d’après mes informations, c’est ce qui a été dit. » Il indique également que le patron de KTM, Stefan Pierer, aurait déclaré qu’il ne reviendrait pas avec les mêmes moyens financiers que ceux qui ont été investis jusqu’ici. Quant aux nouvelles en provenance d’Aprilia, elles seraient encore plus inquiétantes…
La question a ensuite été posée de savoir ce qui adviendrait des contrats signés avec les pilotes MotoGP pour l’année 2020. Giovanni Zamagni reporte qu’il a eu des contacts avec les responsables des teams Ducati (Paolo Ciabatti et Francesco Guidotti), Aprilia (Romano Albesiano et Massimo Rivola), Suzuki (Davide Brivio) et Yamaha (Maio Meregalli), c’est-à-dire les équipes basées en Italie, et que tout le monde lui a dit qu’il était trop tôt pour parler des contrats des pilotes car tout le monde attendait une décision concernant le championnat.
Michel Turco fait alors remarquer que trois pilotes ont déjà signé pour 2021, dont Marc Márquez qui a signé pour quatre ans, et s’interroge sur le fait qu’il touchera ou non la somme pour laquelle il a signé.Le cas de Fabio Quartararo l’interpelle également puisque le jeune français a signé un contrat modéré pour 2021 en échange d’une moto d’usine pour 2020. Moto qu’il utilisera bien moins que prévu cette année. Chaque situation est donc différente et Manuel Pecino fait remarquer que d’une part cela aurait peu de sens qu’un team s’oppose sur le plan financier aux pilotes qu’il aura l’année prochaine et que d’autre part Honda indique dans ses contrats pouvoir utiliser l’image de ses pilotes, et donc que le travail de ces derniers ne se limite pas à piloter leur moto.
Enfin, il a été constaté que les jeunes pilotes confinés tournaient comme des fauves en cage chez eux en attendant les courses, mais que cela pouvait avoir des conséquences différentes chez les pilotes plus âgés, tel Valentino Rossi. Sur ce point, Giovanni Zamagni pense que le champion italien roulera l’année prochaine.
Les intervenants de cette première table ronde se sont quittés en se donnant rendez-vous pour la semaine prochaine.