Jamais on n’aura autant parlé du Championnat de France FSBK 600 !
La wildcard mise en jeu par le GMT94, la FFM et Yamaha France pour la manche française du championnat du monde Supersport a créé une véritable émulation, au point que plusieurs participants du FSBK n’avaient d’autre but que de décrocher cette récompense particulièrement attirante.
L’opération a donc été un succès, ne serait-ce que parce qu’elle a élevé le niveau de jeu, en particulier sous l’impulsion de Valentin Debise qui a remporté neuf des dix courses concernées, mais aussi parce qu’elle a révélé de jeunes talents en devenir, à l’image de Ludovic Cauchi ou Tom Bercot.
Seulement voilà, si remporter le Championnat de France est une chose, affronter les meilleurs pilotes mondiaux de Supersport en est une autre, même si on s’appelle Valentin Debise et que l’on a déjà une sérieuse expérience en Grand Prix, en Supersport Mondial et en MotoAmerica. C’est pourquoi Christophe Guyot et le GMT94 ont d’emblée programmé une prise en main de la Yamaha R6 sur le circuit Carole.
Nous étions présents durant ces deux demi-journées pour vous faire vivre de l’intérieur ce genre de travail généralement méconnu… et vous pouvez trouver le compte-rendu de la première séance ici.
Le lendemain matin, c’est sous un ciel bien parisien aux 50 nuances de gris que l’équipe du GMT94 se met en action, cette fois avec le circuit à sa seule disposition.
La Yamaha Supersport est exclusivement à la disposition de Valentin Debise, pendant que Christophe Guyot continue à roder des plaquettes et des disques pour Jules Cluzel et Federico Caricasulo avec une R6 puis effectue quelques baptêmes en duo en MT-09.
Sur la R6 de compétition, cette fois avec un cuir Ixon (partenaire du GMT94) emprunté pour l’occasion, un premier run est effectué avec une nouvelle cartographie intermédiaire.
Même s’il est toujours un peu déstabilisé pour le toucher des gaz, « VD53 » découvre peu à peu les avantages de l’embrayage anti-dribble STM.
Nous en profitons pour faire le point sur ce sujet avec Christophe Guyot : « Valentin connaît les deux écoles car il a utilisé les embrayages d’avant. Là, il a un embrayage d’aujourd’hui. Les pilotes qui ne connaissent que les embrayages d’aujourd’hui ne savent plus que le moment où l’on rétrograde est important. Avec les embrayages d’avant, quand tu rétrogradais trop tôt, tu avais la roue qui se bloquait. Aujourd’hui, ça marche à l’envers : si tu rétrogrades trop tôt, ça te pousse car l’embrayage anti-dribble empêche la roue de se bloquer. Le pilote qui ne sait pas ce qui se passe mécaniquement ne comprend pas ça. Donc un embrayage moderne est à la fois hyper top car il ne va rien se passer, mais en même temps le fait qu’il ne se passe rien ne te dit pas si tu rétrogrades au bon endroit ou pas. Donc l’expérience d’un pilote qui a roulé avec des embrayages normaux, sans anti-dribble, est un plus car il pourra rétrograder au meilleur moment, ce qui est important. L’embrayage anti-dribble gomme les blocages de roue, mais ne garantit pas d’être utilisé au bon moment, ce qui est très important pour avoir un bon frein moteur. »
Nous en profitons pour penser à la majorité de nos lecteurs et demandons à Christophe si ce genre d’embrayage se justifie pour une utilisation routière. Sa réponse est catégorique…
« L’embrayage anti dribble pour la route, c’est FA-BU-LEUX ! Il ne peut plus y avoir de blocage de roues arrière au rétrogradage, et l’histoire de la moto qui va pousser si tu rétrogrades trop tôt, ça ne le fera pas sur la route car il faudrait que tu sois à 12 000 ou 13 000 tours. Donc quand tu es à 6000 ou 7000 tours et que tu rétrogrades trop tôt, ça va simplement empêcher le blocage de roue. C’est vraiment top et c’est d’autant plus un avantage que, très curieusement, pour des raisons étonnantes, on n’apprend pas à rétrograder en mettant des coups de gaz au permis de conduire, ce qui est l’effet qui permet de supprimer les blocages de roue. Les inspecteurs considèrent que mettre un coup de gaz serait faire comme en compétition, alors que c’est certainement le seul point où il devrait y avoir une vraie relation entre la route et la course, puisque c’est le même problème que l’on cherche à résoudre, à savoir éviter le blocage de la roue arrière. Avec l’embrayage anti-dribble, il n’est plus utile de mettre des coups de gaz. »
Pendant ce temps, malgré quelques minuscules et éparses gouttes de pluie), Valentin Debise continue à s’adapter à la Yamaha R6, tout en faisant évoluer les cartographies suivant ses besoins (coupure des cylindres ou pas, etc.). Très satisfait du frein moteur, les chronos commencent à descendre, autour de 1’01, toujours avec des Pirelli SC1 usés, mais l’Albigeois est toujours gêné par le toucher des gaz.
Le travail est méthodique, en évaluant un facteur à la fois, toujours sous l’autorité de Christophe Guyot qui à la tâche compliquée de décrypter ce qui se cache derrière les informations fournies par le pilote pour les traduire en actions à faire sur la moto avant le prochain run.
Il est alors décidé d’essayer un SC0 à l’arrière pour établir une référence, toujours en essayant deux cartographies pour en choisir une. Température du pneu à 94°, bien sûr…
Valentin Debise prend son temps pour bien faire chauffer les pneus et le chrono continue à descendre doucement.
Cette fois, on prend quelques minutes pour changer l’ensemble poignée-câbles d’accélérateur.
Au final, vers la fin de la séance, le meilleur temps s’avère être en 1’00.1, alors que le record de la piste est détenu par Jules Cluzel en 58.9.
Christophe Guyot, qui a suivi les derniers tours avec attention est content. Vraiment content même, et on pourrait même dire soulagé. Son implication totale dans le projet ne fait aucun doute et le travail effectué par Valentin Debise le satisfait pleinement. « C’est bien ! C’est vraiment bien ! » l’entend-t-on s’exclamer en revenant au box.
A froid, son bilan de ces deux demi-journées est plus global : « Le bilan est positif à 100 % ! D’abord, pour Valentin, le but de ces essais était de l’aider à s’habituer à la moto : Ce n’est pas tout d’avoir le cadeau, encore fallait-il qu’il soit bien emballé. Il faudra peut-être faire ça une fois pour qu’il ait toutes ses chances. On va tout faire pour l’aider à obtenir un bon résultat. Ce serait d’abord bien pour lui, en tant que pilote, car il en rêve et il a fait toute la saison du championnat de France uniquement pour ça, comme d’autres pilotes l’ont fait uniquement pour ça. Ça a déclenché un enthousiasme et une envie que l’on attendait, mais peut-être pas aussi forts. On se rend compte que le projet que l’on a créé en 2019 est très attendu par les pilotes français. On le voit avec Valentin et l’énergie qu’il a mise pour être devant au championnat. Donc après, il faut qu’on soit à la hauteur de ce qu’on veut leur offrir. La moto, on sait qu’elle est bien : Jules a gagné trois fois avec et elle a fait 18 podiums en deux ans. Mais il faut aussi que le pilote s’y habitue, et c’était le but du jeu. En même temps, on a toujours des petites choses que l’on n’a pas systématiquement le temps de faire avec Jules et Federico car ils n’ont que deux séances de 45 minutes, donc on a pu repasser en revue quelques petites choses avec Valentin, ce qui a été extrêmement productif. La très bonne nouvelle est que la connexion gaz est bien plus douce et surtout plus efficace grâce à une poignée de gaz moins brutale ( tirage plus long ) que celle choisie par les pilotes habituels. Nous demanderons à Jules et à Federico de tester à nouveau cette solution qui a apporté satisfaction et performance avec Valentin. Tout comme Bertrand Gold, le fait de découvrir une moto, permet aussi de détecter des points faibles que les pilotes habituels compensent après s’y être habitués Voici un très bon point qui peut servir dès la prochaine course.
D’autre part, on a profité du fait d’avoir la piste pour nous pour faire venir des jeunes du Val-de-Marne qu’on a pu emmener en duo derrière. C’était très sympa ! J’en ai aussi profité pour me faire plaisir tout en faisant le travail embêtant pour les pilotes, comme roder les plaquettes de frein et les disques avant de les valider. C’est un travail qui n’est pas forcément toujours agréable pour les pilotes de vitesse, mais moi je me fais plaisir, que ce soit sur la R6 ou sur la MT–09, donc c’était une très bonne journée.
L’autre point qui est important pour moi aussi dans cette journée, c’est qu’en période de COVID les jeunes ont du mal à trouver des stages, donc on a pris beaucoup plus de stagiaires cette année que d’habitude, même si ce n’était pas très facile pour nous. Ils sont venus participer à la vie de l’atelier et il y en a eu trois en particulier qui ont été extraordinaires. Ils ont fait un travail incroyable pour préparer les carénages et les peintures, et là c’était un peu la récompense pour eux de passer deux jours avec nous à Carole. Ils ont vécu le monde de la course de l’intérieur, et c’était mérité car ils se sont beaucoup investis. Ça reste des stages qui sont intéressants car ça me permet de valider des jeunes qui sont incroyables. Il n’y a pas d’autre mot ! »
Comment jugez-vous le niveau de Valentin lors de cette prise en main ?
« Il est exactement dans le coup. Il est du même niveau que les pilotes qui ont roulé ici pour la première fois avec notre moto, Krummenacher, Caricasulo ou Corentin. Jules, ça reste encore un peu différent car il est venu ici avec des conditions un peu différentes, avec d’autres pneus de qualification, pour faire le 58.9 qu’il a réalisé. Mais là, Valentin est dans le match immédiatement, et c’est très motivant. Il peut faire quelque chose de très bien ! »
Nous rattrapons alors Valentin Debise qui est en train de se changer pour recueillir son bref résumé.
« C’était super intéressant de pouvoir rouler avec la moto parce que, comparé à ce que je connaissais et ce que je connais en 600, c’est très différent. C’est dû aux nouvelles règles avec le boîtier unique, c’est super de découvrir de nouvelles choses et des sensations différentes, que ce soit en accélération ou au frein moteur. Je suis donc très content d’avoir eu la chance de tester la moto du GMT94 avant la course, parce que aller sur une course avec une moto sans l’avoir essayée est toujours super chaud car il y a très peu d’essais avant les courses. C’était donc vraiment une très bonne opportunité et je tiens à remercier non seulement Christophe et l’équipe du GMT 94 mais aussi la FFM et Yamaha France. Les sensations sur la moto étaient très bonnes, sans rien changer en matière de suspension, et j’ai juste pris un peu mes marques en essayant de m’adapter à la R6. Je suis vraiment content et j’ai hâte de remonter dessus. »
Hors micro, Christophe Guyot précise que si Valentin en éprouve le besoin, une autre séance d’essais pourrait avoir lieu avant le rendez-vous du championnat du monde à Magny-Cours, le 5 septembre.
Dans ce cas, nous ne serions sans doute pas bien loin pour continuer à vous faire vivre cette aventure « En route pour Magny-Cours ! »…